Encore une belle occasion qui risque fort d’être manquée

Le sommet européen de jeudi prochain s’approche et les interrogations grandissent : à la recherche d’un compromis, les chefs d’État et de gouvernement vont-ils encore une fois biaiser en le dissimulant derrière l’annonce de plans d’un montant impressionnant mais ne répondant pas aux exigences de la situation ?

À la différence de l’épisode précédent, la crise n’est pas de liquidité mais de solvabilité. Cela impose des remèdes adaptés qui se heurtent à des obstacles politiques paraissant insurmontables, comme en a témoigné le refus de toute mutualisation. Seule la BCE, qui n’est pas atteinte par la quasi-paralysie ambiante, serait en mesure de les fournir en activant son programme intitulé OMT (opérations monétaires sur titres en Français), c’est à dire en achetant la dette des pays proches de sombrer, l’Italie au premier chef, mais nous n’y sommes pas. Au train où vont les choses, son endettement va représenter 180% du PIB, et les tensions déjà enregistrées sur le marché s’amplifient déjà malgré le nouveau plan d’urgence d’achat de titres de la BCE. Mais l’activation de l’OMT implique une demande à bénéficier de l’aide du MES qui suppose un vote du Parlement italien pour l’instant inenvisageable.

Le gouvernement français a avancé une proposition qui revient à mutualiser partiellement les emprunts, avec peu de chances d’aboutir. Pedro Sànchez, le Premier ministre espagnol, emprunte une autre voie en proposant que les institutions de l’Union européenne alimentent par l’emprunt un nouveau fonds qui distribuerait des aides pays par pays, sans que cela accentue leur endettement. Les contours du compromis qui sera finalement adopté font encore l’objet de tractations, mais le risque est grand que le scénario du dernier Eurogroupe se répète et que, une fois les congratulations de rigueur terminées et les projecteurs éteints, les détails de l’accord se révèlent très décevants une fois connus.

La situation actuelle est à terme intenable. Les pays comme l’Italie et l’Espagne qui ont le plus besoin de financer leur relance sont ceux qui ont le moins de moyens à y consacrer. Le Premier ministre portugais annonce pour sa part le retour inévitable de mesures d’austérité. Les mesures françaises représentent 4,5% du PIB, les allemandes 4%, et les italiennes seulement 2%.

La Commission va devoir revoir sa copie dans de nombreux domaines, face à la tâche de dégager des normes communes aux plans de relance nationaux. Qu’en sera-t-il des apports en fonds propres et des nationalisations partielles qui se profilent, en raison des distorsions de concurrence qui seront dénoncées par ceux qui ne s’y engageront pas ou n’en bénéficieront pas ? Comment les règles de sauvetage de l’Union bancaire pourront-elles être respectées si la Commission devait finalement céder devant l’insistance de la BCE qui demande instamment la création de structures de défaisance (« bad banks ») ? Nationales ou européennes, celles-ci seraient destinées à accueillir les prêts non performants dont de nombreuses banques regorgent encore, en particulier dans les pays du Sud de l’Europe, afin qu’elles puissent supporter le poids de ceux qui s’annoncent ? À terme, qui supporterait donc les pertes ?

Christine Lagarde a reconnu que « l’incertitude est très élevée, rendant extrêmement difficile de prédire l’importance et la durée de la récession imminente et de la récupération ultérieure ». À tous égards, cela annonce une longue période d’indécisions et de remises en cause. Mais, lorsqu’on observe le soutien implicite de Donald Trump aux groupes paramilitaires qui encadrent les manifestants réclamant la reprise du travail, ou bien Jair Bolsonaro haranguant sur un pick-up ceux qui demandent à l’armée d’imposer la fermeture du Congrès, on a de quoi être circonspect. D’autant que l’on constate en Italie des appels à des mesures autoritaires, prémices possibles du retour au pouvoir de l’extrême-droite. Ne parvenant qu’à des compromis boiteux, les dirigeants européens jouent avec le feu.

Dernière minute : Les espoirs d’un compromis reposent pour l’instant sur l’adoption conjointe des propositions du gouvernement français et de la Commission. D’un côté la création d’un « véhicule spécial » qui émettrait de la dette commune pour une durée limitée dans le temps, de l’autre une augmentation de son budget pluri-annuel permettant d’emprunter massivement sur les marchés.

5 réponses sur “Encore une belle occasion qui risque fort d’être manquée”

  1. Un emprunt global « éternel » à lots….?
    Les titre émis seraient numérotés mais « anonymes géographiquement » = non nationalement « paternisés »..
    Tirage tous les ans // tous les deux ans // tous les cinq ans….d’un nombre à définir de titres émis à cette occasion.
    Parmi les « lots » de ces tirages :
    ## des nouveaux titres ( à 10/20 ans ? taux de l’époque) nationalement reconnaissables ( à l’exception des pays du bloc « rigide » D , NL ,…,…) à valeur faciale = 105% (?) de la valeur de base du titre anonyme tiré.
    ## des nouveaux titres ( à 10/20 ans ? taux de l’époque ) nationalement reconnaissables des « pays rigides » à valeur faciale = 95%(?) de la valeur de base ….
    ## 0€ et les remerciements de la Commission pour avoir participé..
    ## autre suggestion…

    (Ça y est ..? J’ai un second Nobel ?? …^!^…))

    1. Je ne retrouve plus les références précises, mais voici une intervention de Mario Draghi
      ( http://archive.wikiwix.com/cache/index2.php? url=http%3A%2F%2Fwww.ecb.europa.eu%2Fpress%2Fpressconf%2F2012%2Fhtml%2Fis120906.en.html)

      et un article d’Isabelle Court dans les Échos
      (https://www.lesechos.fr/2012/09/naissance-de-lomt-la-nouvelle-arme-anticrise-de-la-zone-euro-362352)

      En substance, il y a des conditionnalités à respecter pour que la BCE puisse acheter des obligations d’un pays dans le cadre de l’OMT, dont d’avoir préalablement fait appel au MES (ou au FESF avant septembre 2012).

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